Un des passages les plus connu de la Haggadah qui nous lirons dans quelques jours est celui des quatre fils. Pour chacun des fils, la question (et parfois la réponse) provient de la Torah. Celle du premier fils, le “sage”, est prise du livre de Devarim (chap 6 v20) :
כִּֽי־יִשְׁאָלְךָ֥ בִנְךָ֛ מָחָ֖ר לֵאמֹ֑ר מָ֣ה הָעֵדֹ֗ת וְהַֽחֻקִּים֙ וְהַמִּשְׁפָּטִ֔ים אֲשֶׁ֥ר צִוָּ֛ה ה’ אֱלֹקינוּ אֶתְכֶֽם:
Quand ton fils t’interrogera un jour disant, “qu’est-ce que ces statuts, ces lois, ces règlements que l’Eternel notre D.ieu vous a imposé”.
La réponse que nous donnons à ce fils le soir du séder est qu’on ne mange plus rien après “pessa’h afikoman” – après avoir mangé le sacrifice de pessa’h (de nos jours la matsa de l’afikoman) qui est aussi notre “dessert”. Une réponse technique et pointue à une question technique est pointue.
Et pourtant, si nous ouvrons notre ‘houmach, il nous faut constater que la réponse officielle de la Torah à cette question est bien différente ! il s’agit de raconter l’histoire de pessa’h. “Avadim hayinou… ” nous étions les esclaves du pharaon en Egypte… D.ieu nous a sorti… et nous a donné ces lois…”.
Il semblerait que cette réponse là n’est pas adaptée à la question mais plus à celle du troisième enfant, le Tam (“simple”). C’est une leçon d’histoire. Il est certains que notre ‘Ha’ham qui comprends les finesses entre les différents types de commandements, est au courant de l’histoire de son peuple.
Le Sfat Emet nous donne une approche très particulière pour comprendre la signification de la réponse de la Haggadah. Selon lui, il ne s’agit pas d’une réponse pointue sur un détails important de la fête mais d’un message bien plus profond.
En quittant l’Egypte, les enfants d’Israël ont certes quitté l’esclavage mais ils sont surtout allés vers l’inconnu. Ou, comme le dit le prophère Yirmiyahou (chap 2, v.2)
זָכַרְתִּי לָךְ חֶסֶד נְעוּרַיִךְ אַהֲבַת כְּלוּלֹתָיִךְ לֶכְתֵּךְ אַחֲרַי בַּמִּדְבָּר בְּאֶרֶץ לֹא זְרוּעָה.
“Je te garde le souvenir de l’affection de ta jeunesse, de ton amour au temps de tes fiançailles, quand tu me suivais dans le désert, dans une régions inculte”.
La sortie d’Egypte est un saut aveugle, emplit de confiance en D.ieu.
Le soir du séder nous avons l’injonction de nous sentir comme si nous même sortions d’Egypte. Au-delà de la coutume de certaines familles de mimer cette sortie, nos ballotins sur les épaules, il est également question de ressentir ce que nos ancêtres ont ressenti.Le soir du séder, l’accent est mis sur l’expérience. Nous voulons goûter – et conserver- le goût de la délivrance, le goût de la confiance absolue en D.ieu.
Vue ainsi, la réponse que nous donnons à ce premier fils prend une toute nouvelle signification. Lui nous demande de discuter de détails de halakha, de discussions poussées. Notre réponse “on ne goûte plus rien après l’afikoman” vient lui dire : ce soir, nous voulons goûter. Nous voulons ressentir. Nous voulons être dans l’expérience de gueoula, de émounah.
Ce n’est pas le moment de faire des débats halakhiques. L’étude de la Torah a sa place – et dans 50 jours, à Chavouot, se révélera dans toute sa force. Mais ce soir, la place est à l’expérience. Afin qu’en se remplissant d’elle nous ayons la force d’étudier, de découvrir et de comprendre la Torah, d’arriver à Matan Torah, à Chavouot.
Cette réponse est maintenant alignée avec celle de la Torah qui rappelle à l’enfant son histoire : ce soir est le moment de la ressentir, et de là tu pourras arriver à la compréhension des mitsvot.
Cette année, comme tous les ans, nous poserons des questions et donnerons des réponses tout au long du séder.
Cette année, rappelons-nous de l’importance d’être “dans le moment”. De ressentir au plus profond de nous cette expérience qu’est la sortie et d’Egypte, ou nous passons du statut d’enfants d’Israël à celui de Am – de peuple- d’Israël.
‘Hag saméa’h